Les hémorroïdes

Qu’est-ce que les hémorroïdes ?

Ce terme désigne des formations vasculaires normales, présentes dès l’enfance. Tout le monde a des hémorroïdes ; mais à l’état normal elles ne doivent entraîner aucune manifestation. Dans le langage courant, quand quelqu’un dit « j’ai des hémorroïdes », cela signifie « je souffre de mes hémorroïdes ». Il existe donc une ambiguïté sur ce terme qui désigne à la fois une maladie et des structures vasculaires normales.

Les hémorroïdes

Les hémorroïdes

Les hémorroïdes sont des sortes de grappes de petites veines, situées à l’intérieur de l’anus, dans la partie haute du canal anal, juste à la sortie du rectum. Ce ne sont pas des veines bien linéaires comme celles des jambes, mais de multiples petits sacs veineux regroupés en 3 paquets situés à gauche, en avant à droite et en arrière à droite (3h, 11h et 8h dans la position opératoire sur le dos). Le système de jonction artère-veine est particulier à ce niveau avec une sorte de court-circuit depuis les artérioles, ce qui explique le mode de saignement artériel des hémorroïdes.

Comment se manifestent les hémorroïdes ?

Saignement

La manifestation la plus habituelle est représentée par le saignement : du sang très rouge, rutilant, en fin de selle, sans douleur associée ; ce sang très rouge, artériel, éclabousse souvent la cuvette des WC, le rendant encore plus impressionnant. Le saignement isolé correspond au premier stade de la maladie (grade 1), mais il peut bien sûr accompagner tous les autres stades. Il survient de façon imprévisible, pouvant durer 1 à 2 semaines, puis disparaître plusieurs mois. S’il se produit quotidiennement, il peut retentir sur l’état général et entraîner une anémie.

Remarque : Le saignement peut aussi provenir d’un polype colique ou d’une tumeur, et il est parfois difficile de faire la part des choses ; de plus il n’est pas impossible d’avoir des hémorroïdes et un polype : c’est pourquoi, en cas de saignement, même si cela semble n’être du qu’à des hémorroïdes, il est prudent et recommandé de consulter son médecin pour un diagnostic précis, surtout après 40 ans.

Prolapsus

La seconde manifestation la plus fréquente est représentée par le prolapsus hémorroïdaire, qui entraîne une sensation de gonflement ou de boule au niveau de l’anus. En effet, les paquets hémorroïdaires sont normalement bien fixés en haut du canal anal, mais ils peuvent progressivement glisser vers l’extérieur, par relâchement de leur système de fixation.

Ainsi lors de la selle un ou plusieurs paquets peuvent glisser à l’extérieur et être perçus au niveau de la marge anale : au début ils se réintègrent spontanément et rapidement (grade 2), puis cela devient plus long et plus difficile, nécessitant de les repousser au doigt (grade 3), pour enfin finir en permanence à l’extérieur, sans possibilité de les réintégrer (grade 4).

Douleur

Les hémorroïdes ne font pas mal tant qu’elles ne sont pas compliquées. Quand une douleur hémorroïdaire survient, elle correspond à une thrombose : apparition en quelques heures d’une boule douloureuse au niveau de l’anus ; tous les stades sont possibles entre une boule de petite taille avec une douleur modérée et une volumineuse thrombose très douloureuse empêchant le sommeil, et pouvant concerner d’un seul coup les trois paquets hémorroïdaires (prolapsus circulaire complet thrombosé). Cette forme majeure se voit fréquemment chez les femmes après un accouchement.

La thrombose correspond à un caillot qui s’est formé au niveau des hémorroïdes ; elle est favorisée par un effort (poussée importante à la selle, port de charges lourdes, effort physique, voyage…) mais on ne retrouve pas toujours de facteur déclenchant.

Il s’agit d’une urgence qui nécessite un traitement adapté ; 3 types de traitement peuvent être proposés :

  • Médical : prescription d’anti inflammatoires, pour calmer rapidement la douleur et l’oedème, associée à des suppositoires et de la pommade localement ; ceci permet la résorption de la thrombose en 2 à 4 semaines, pour envisager ensuite à froid le traitement le plus adapté.
  • Chirurgical au cabinet : quant la thrombose n’est pas trop volumineuse, il est possible sous anesthésie locale, de pratique son excision au cabinet médical, et ainsi de soulager rapidement la douleur.
  • Chirurgical en clinique : dans les cas les plus sévères il peut être indiqué d’opérer en urgence, ce qui permet de traiter à la fois la thrombose et d’enlever le ou les paquets hémorroïdaires concernés.

Les démangeaisons ou prurit anal

Le prurit anal n’est pas une manifestation des hémorroïdes ; il peut cependant s’y associer quand les hémorroïdes sont sorties en permanence (grade 4) et qu’elles entraînent un suintement, qui favorise la macération au niveau de la marge anale, et ainsi entretient le prurit.

La constipation

Les hémorroïdes ne favorisent pas la constipation, c’est l’inverse. Lorsque les selles sont dures et difficiles à évacuer, les efforts de poussée favorisent le glissement des hémorroïdes vers l’extérieur, et les frottements durs qui en résultent favorisent le saignement. Quel que soit le traitement envisagé pour les hémorroïdes, la prévention de la constipation y sera associée, par un régime riche en fibres (légumes, fruits, salades, aliments complets…) avec si besoin un laxatif non irritant prescrit par le médecin (en évitant tisanes et laxatifs en comprimés qui sont toujours irritants pour l’intestin).

Comment se traitent les hémorroïdes ?

Trois types de traitement peuvent être proposés :

  • Médical
  • Instrumental
  • Chirurgical

Le traitement médical

Dans tous les cas il faut un transit aussi régulier que possible en évitant aussi bien la constipation (voir plus haut) que la diarrhée, avec un régime adapté et au besoin un traitement prescrit par le médecin.

Les traitements anti hémorroïdaires visent à soulager les symptômes, mais ne modifient pas l’évolution de la maladie. Il s’agit de veinotoniques ou phlébotoniques pris par la bouche et dont l’efficacité est limitée ; pour cette raison ils ne sont plus pris en charge par la sécurité sociale ; leur prise à très forte dose lors d’une thrombose est sans intérêt, et il faut leur préférer alors un anti-inflammatoire. Les pommades et suppositoires ont un effet local protecteur ; ils agissent en protégeant la muqueuse anale lors du passage de la selle et évitent ainsi une augmentation de son irritation ; ils s’utilisent en général avec une application de pommade matin et soir et un suppositoire le soir au coucher, en appliquant la pommade sur le suppositoire pour faciliter son introduction. Leur usage est en règle de courte durée car en cas de persistance des manifestations hémorroïdaires, un traitement plus actif est indiqué.

Les traitements instrumentaux

Ces traitements visent à corriger la maladie hémorroïdaire, en supprimant ses symptômes et en arrêtant son évolution.

Plusieurs méthodes existent et elles ont comme principe commun :

  • de former une cicatrice au niveau de la muqueuse sus-hémorroïdaire afin de limiter le glissement des hémorroïdes vers l’extérieur ; cette cicatrice crée une sorte de point de fixation de la muqueuse aux plans profonds, et évite donc les mouvements de glissement vers l’extérieur.
  • de favoriser une fibrose de la muqueuse qui est ainsi plus solide et a moins tendance à saigner.

La sclérose : c’est la méthode la plus ancienne, qui consiste à injecter un produit sclérosant dans la muqueuse ; cette méthode est progressivement abandonnée au profit de méthodes plus modernes. Le chaud ou le froid lui sont souvent préférés : coagulation infra-rouge  ou cryothérapie (azote liquide) permettent de créer cette cicatrice par application à la partie haute des paquets hémorroïdaires. Il s’agit de méthodes peu ou pas douloureuses qui sont réalisées en peu de temps au cabinet médical.

La ligature élastique est la méthode la mieux validée actuellement : elle consiste à attraper une zone de muqueuse à la partie haute du paquet hémorroïdaire dans un anneau élastique qui va littéralement l’étrangler. Cet étranglement va entraîner une nécrose de la muqueuse qui aboutit à deux effets :

  • Formation d’une ulcération qui va se refermer progressivement et ainsi former cette cicatrice évoquée plus haut
  • Retirer le paquet hémorroïdaire vers l’intérieur et ainsi diminuer le prolapsus.

Les premières méthodes sont surtout utilisées en cas de saignement et la ligature élastique est plutôt proposée lorsqu’il s’y associe un prolapsus. Ces méthodes peuvent même parfois être utilisées conjointement ou successivement pour se compléter.

Les traitements chirurgicaux

Ils ont très mauvaise réputation, mais les choses ont quand même évolué ces dernières années. Elles se déroulent sous anesthésie générale en clinique.

Trois méthodes sont actuellement couramment utilisées :

  • La ligature hémorroïdaire guidée par doppler
  • La technique de Longo ou hémorroïdopexie
  • L’hémorroïdectomie selon la technique de Milligan et Morgan

La ligature hémorroïdaire guidée par doppler

Cette technique se pratique sous anesthésie générale, mais elle n’est pas réellement chirurgicale, puisqu’il n’y a pas d’exérèse effectuée. Elle consiste à repérer à l’aide d’un doppler placé dans un anuscope spécial les artères hémorroïdaires pour les ligaturer et ainsi couper leur alimentation en sang ; il n’y a donc pas de plaie postopératoire et ce geste est réalisé en ambulatoire (entrée et sortie de la clinique le même jour). Cette technique est proposée pour des hémorroïdes d’importance limitée, pour lesquelles les traitements instrumentaux ne sont plus efficaces.

L’hémorroïdectomie selon la technique de Milligan et Morgan

C’est la technique chirurgicale classique et la plus ancienne : elle consiste à disséquer chacun des trois paquets hémorroïdaires de la marge anale jusqu’à sa partie haute et à le ligaturer avant de le couper. Cette technique enlève donc complètement les hémorroïdes et est en principe définitive. Elle nécessite une courte hospitalisation et un arrêt de travail d’environ 1 mois. Les suites postopératoires sont souvent douloureuses, en particulier lors de la selle, nécessitant des soins appropriés (bains de siège, antalgiques, traitements laxatifs…) La cicatrisation définitive est obtenue en 4 à 6 semaines.

La technique de Longo ou hémorroïdopexie

Cette technique chirurgicale est utilisée depuis une dizaine d’années ; son principe n’est pas d’enlever les paquets hémorroïdaires comme dans la chirurgie classique, mais de corriger le prolapsus en enlevant une zone circulaire de muqueuse à la partie haute des paquets hémorroïdaires. Ceci peut se faire grâce à une pince circulaire spéciale qui sectionne cette bande de muqueuse et réalise dans le même temps un agrafage de la muqueuse. Les paquets hémorroïdaires ne sont pas enlevés mais remis à leur place par une sorte de lifting de la muqueuse hémorroïdaire. Le but est de retrouver un état normal, puisque comme nous l’avons vu en introduction, les hémorroïdes sont des formations vasculaires normales.

Les avantages de cette technique sont :

  • des suites sont plus simples, avec moins de douleurs puisque la plaie se trouve au niveau de la muqueuse dans le rectum, qui est une zone moins sensible que la peau,
  • une immobilisation moins longue avec un arrêt de travail plus court d’une quinzaine de jours.

Ses inconvénients sont :

  • elle ne peut pas être proposée dans tous les cas ; pour être réalisable il est nécessaire que les hémorroïdes soient mobiles et puissent être réintégrées au moment de l’opération
  • le risque de récidive semble plus important qu’avec l’hémorroïdectomie classique.

Comment se déroule un examen pour hémorroïdes ?

Cet examen est toujours redouté par les patients qui très souvent hésitent à consulter par crainte de le subir. Il s’agit d’un examen indolore, qui ne dure que quelques minutes, et qui permet le plus souvent de faire un diagnostic immédiat et de proposer des solutions efficaces.

L’examen de l’anus peut se faire dans deux positions : soit position genu-pectrale (à quatre pattes) soit décubitus latéral (couché sur le côté gauche en chien de fusil). Le médecin peut alors examiner la marge anale, puis réaliser un toucher ano-rectal pour palper le canal anal et le rectum et enfin réaliser une anuscopie : à l’aide d’un appareil spécial (anuscope) introduit dans le canal anal, il peut voir la muqueuse de l’anus et du rectum et évaluer l’importance des hémorroïdes. C’est à l’aide de cet anuscope que pourront être réalisés les traitements instrumentaux évoqués plus haut.

Pour une sécurité maximale lors de ces examens, le matériel utilisé (gants, doigtiers, anuscopes, ligateurs, pince, ciseaux, bistouris…) est à usage unique et ne sert donc que pour un seul patient, évitant tout risque de contamination.

Quelques idées toutes faites et parfois fausses sur les hémorroïdes ?

Les hémorroïdes font mal

C’est le plus souvent faux ; les hémorroïdes entraînent le plus souvent des saignements et un gonflement anal mais sans douleur associée. En cas de thrombose, qui est une complication aiguë (crise hémorroïdaire), la douleur survient de façon brutale, elle est intense et s’associe à une boule dure et douloureuse. Si la douleur est plus chronique, il faut rechercher une autre cause, qui est le plus souvent une fissure anale avec une douleur survenant après la selle.

Les hémorroïdes sont des varices de l’anus

C’est faux ; comme nous l’avons expliqué les hémorroïdes sont des veines très particulières et leur survenue n’est pas liée à l’insuffisance veineuse qui entraîne les varices des membres inférieurs. Un « terrain veineux » est peut être facteur favorisant mais le mécanisme des deux affection est de nature très différente.

Les hémorroïdes sont héréditaires

C’est faux et vrai à la fois ; on retrouve souvent dans la famille des parents ou grands-parents qui ont eu ce type de problème, mais il s’agit d’une affection si banale et fréquente que cela n’a rien de surprenant. Il n’existe de toute façon pas de mode de transmission héréditaire clairement identifié.

Les hémorroïdes sont dues à l’alcool et aux épices

C’est faux ; l’alcool et les épices ne « donnent » pas des hémorroïdes ; par contre, un patient qui souffre de ses hémorroïdes augment le risque de faire une crise ou de les faire saigner en prenant des épices et de l’alcool en excès ; il existe aussi une sensibilité personnelle ; certains patients réagissent dès la prise d’un verre de vin alors que d’autres supportent des excès bien plus importants. Quoi qu’il en soit, on peut malheureusement avoir une hygiène de vie parafaite et souffrir d’hémorroïdes.

Infection et hémorroïdes

C’est une question fréquemment posée : devant des saignements répétés n’y a-t-il pas un risque d’infection au contact des selles ? En fait non. L’anus est « habitué » à ce contact quotidien avec de nombreux germes et il se défend très bien contre l’infection. La survenue d’un abcès anal n’est pas favorisée par la présence de saignements ou d’hémorroïdes.

Dr Paul Dieterling